Tammin ! Je commençais sérieusement à m'inquiéter ! As-tu vu l'heure qu'il est ?
Mon cher paternel vint jusqu'à moi afin de me serrer contre lui. Je dois dire que ce contact m'a toujours réchauffé le cœur et je le remercie toujours, intérieurement, de poursuivre une telle relation avec moi. Je souris, en l'entendant me réprimander. Il est tellement soulagé de me voir, que son inquiétude et sa colère finissent petit à petit par disparaître. Il se rend, même, compte que son monologue ne sert strictement à rien.
Pardonne-moi... J'ai simplement voulu prolonger mes répétitions. J'ignorais que j'étais attendue, ce soir...
Je me pince la lèvre en apercevant mes grands-parents, adoptifs, venir jusqu'à nous. Je risque de passer de longues minutes. Ils ne m'attendent que lorsque nous avions prévu quelque chose en famille. Hors, il me semblait que nous n'avions rien organisé ce soir, d'où mon dépassement d'horaires. Mais être accueillie par mon père, ainsi que ses parents, ne présage rien de bon. Pour moi, cela va de soit !
Va vite te préparer, nous allons finir par être en retard.
Plus fermé, cela n'existe pas. Je ressens toute la désillusion dans le regard de ma grand-mère. Je l'ai déçu. Je me sens mal, tout à coup. J'ai horreur de décevoir ma famille. Je fais tout ce que je peux pour être une bonne fille et une bonne petite-fille. Malgré mes origines et mon passé, j'essaie d'être une bonne petite Mizusaki mais cela ne leur convient jamais. Je ne suis pas faîte pour cette vie. Ils en ont conscience autant que moi. Mais chacun se tait. Comme si un miracle pouvait arriver et que du jour au lendemain, j'allais devenir la petite-fille dont ils rêvent. Mais au lieu de ça, je continue de les décevoir, jour après jour. Je n'ose même pas imaginer les commentaires qu'entends mon père, lorsque je ne suis pas à la maison. C'est-à-dire, 18 heures par jour.
Les Mizusaki sont une famille assez aisée. Ils aiment leur pays et leurs coutumes. Ils veulent que tout soit propre dès qu'il s'agit d'être vu en public. Leur faire défaut est le pire des crimes. Voilà pourquoi, il n'y a que les parents de mon père qui supportent ma présence. J'ai hâte de me trouver un colocataire. Je pourrais ainsi quitter leur maison et ne plus leur faire honte. Mon père pourra enfin souffler et se concentrer sur sa propre vie, et non la mienne. Il mérite de se trouver une femme et d'avoir ses propres enfants. Je sais que ma grand-mère me reproche également la situation sociale de son fils. S'il se prive d'une vie rangée et heureuse, c'est simplement pour ne pas me perturber davantage. Il est aux petits soins avec moi. Je lui dois tellement...
Un dernier regard complice avec l'homme qui a changé ma vie, et je vais rejoindre ma chambre. Je ferais mieux de me préparer rapidement mais correctement. Je ne voudrais pas agacer davantage ma famille adoptive. J'essaie, tant bien que mal, de me souvenir où nous devons nous rendre, ce soir. Ne pas connaître la destination rend la tâche compliquée. Comment dois-je savoir quelle tenue enfiler... si je ne sais même pas dans quels habits, je suis attendue ?!
C'est alors que mes yeux se sont posés sur une petite invitation posée sur le coin de mon lit. Le gala de charité. Quelle idiote. Mon père me le rappelle depuis plus d'une semaine. Il n'a pas arrêté d'insister sur la date. Ce matin, encore... J'ai vraiment la tête ailleurs, en ce moment. Je m'étais pourtant promis de ne pas oublier car ce gala compte énormément pour ma famille ! Je dois rattraper cette boulette et me comporter dignement. Je dois réussir à leur faire honneur. Même si je sens déjà venir le désastre. Je ne suis pas à l'aise dans ce genre de rassemblement.
Mais ais-je vraiment mon mot à dire ? Bien sûr que non. Je me dois de suivre le mouvement et d'être l'ombre de mes aînés. Chose que j'arrive à faire à merveille. Je suis le genre de fille qui aime passer inaperçue et je suis même plutôt douée pour cela. Alors comme à chaque fois, que nous sommes invités à un rassemblement « prestigieux », je me contenterais d'être l'ombre de mon père et de ses parents. Afin d'éviter toute bêtise qui pourrait me discréditer définitivement.
Silencieuse, depuis que je suis retournée auprès d'eux jusqu'au lieu de rendez-vous, je prie pour que la soirée ne s'éternise pas trop longtemps. J'ai un rythme assez strict et je n'arriverais à jamais à enchaîner si je n'ai pas au minimum 4-5 heures de sommeil.
Contente toi d'être polie et de saluer les personnes que tu croises. N'entre en contact direct avec personne et n'entame aucune conversation. Est-ce bien clair ?
J'acquiesce d'un petit signe de tête. Je me plains de ma grand-mère mais elle n'est pas la pire. Son mari, l'est. Mon grand-père. Son dégoût envers moi est visible à des kilomètres à la ronde. Je n'ai jamais vraiment osé lui parler, je me contente toujours de hocher la tête. De toute façon, ma voix l'exaspère. Il me l'avait déjà dis le jour de notre rencontre. Il trouve que ma voix d'occidentale est déplaisante et ridicule. Alors pourquoi gaspiller ma salive ?
Nous commençons, ce que j'appelle « le tour d'honneur ». Mes grand-parents, suivis de mon père et de moi-même, s'avancent et se présentent aux personnes inconnues. Bien entendu, ils connaissent plus de monde qu'ils n'en rencontrent. Comme promis, je me contente de saluer poliment toutes personnes qui daignent faire attention à moi. À croire que sur mon front, les mots « déchet intéressant » sont gravés.
Par chance, mon père me fit signe de m'éclipser. Ses parents viennent d'entamer une grande conversation philosophique avec de très proches amis et il sait que j'ai un peu de temps pour moi avant de revenir faire l'inutile. Je vois à son regard qu'il est désolé du comportement de ses géniteurs et je me contente de lui sourire. Comme pour lui dire que cela ne m'atteint pas alors qu'en réalité, c'est tout le contraire.
Je m'éloigne donc, sous le regard protecteur et aimant de mon père. J'aimerais tellement partir d'ici.