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Ven 14 Juil - 14:39
C'est dans l'appréciation d'une journée en extinction que commence l'illumination d'une soirée sans prétention. Simplement moi. Seulement moi. Mes yeux brillants de mille diamants. Mes mains se joignant. Mes petits doigts se caressant. Comme pour exprimer un amour vibrant. Personnel. Partager ce doux instant loin des « charges » et des « encombrants ». La plus grande douceur de la journée. De la soirée. Pouvoir me retrouver, seule, dans les rues de Tokyo. Cette ville qui m'a tant donné. Elle m'a ouvert ses portes et me laisse une chance d'y refaire ma vie. Elle m'accueille comme sa propre fille. Je m'y sens terriblement bien. Peut-être un peu trop. Je ne devrais, sans doute, pas autant m'attacher à ce pays et à sa culture. À ses habitants. Cela pourrait me perdre davantage. Mais comment paraître insensible ? Tant de personnes se montrent bienveillantes envers moi. Ce serait les insulter que de ne pas profiter de mon séjour ici. Si seulement, je pouvais être accueillie aussi aimablement par tout le monde. Par ma famille, essentiellement. Mes grands-parents, tout particulièrement. Je les aime. Mais est-ce qu'un jour, cet amour sera partagé ?
Si je pouvais tout recommencer, ferais-je les mêmes choix ? Je ne pense pas. Je regrette ma vie passée. Je la préfère à ma vie actuelle. Voilà ce qui me bloque. Voilà ce qui rend les choses compliquées. La raison pour laquelle mon esprit est, autant, torturé. Si je pouvais revivre ma vie. J'aurais moins parlé mais écouté davantage. J'aurais invité des amis à venir souper même si le tapis était tâché et le divan défraîchi. J'aurais grignoté du maïs soufflé au salon. Je ne me serais pas souciée de la saleté quand quelqu'un voulait faire un feu dans le foyer. J'aurais pris le temps d'écouter ma mère évoquer sa jeunesse et sa rencontre avec mon père. Je n'aurais jamais insisté pour que les fenêtres de la voiture soient fermées par un beau jour d'été tout simplement parce que mes cheveux venaient juste d'être coiffés. J'aurais fais brûler ma chandelle sculptée en forme de rose, au lieu de la laisser fondre d'elle-même, parce qu'entreposée trop longtemps dans l'armoire. Je me serais assise dans l'herbe avec ma mère sans me soucier des tâches de gazon. J'aurais moins ri et pleuré en regardant la télévision, mais davantage ri et pleuré en regardant la vie. Je serais restée au lit lorsque j'étais malade plutôt que de prétendre que la terre cesserait de tourner si je ne travaillais pas ma technique, cette journée-là. Je n'aurais jamais rien acheté pour la simple raison que c'était pratique, ou encore à l'épreuve des tâches ou parce que garanti pour durer toute la vie. Au lieu de souhaiter la fin de la grossesse de ma mère, j'en aurais savouré chacun des instants en réalisant que la merveille grandissant en elle était la seule chance de ma vie d'aider Dieu à faire un miracle. Je l'aurais chéri. Mon petit frère. Lorsque ma mère m'embrassait avec fougue, je n'aurais jamais dis :
Plus tard. Mes amis m'attendent. Je risque de rentrer tard.
Il y aurait eu plus de
Je t'aime
..., plus deJe suis désolée
..., mais surtout si on me donnait une autre chance de revivre mon passé, j'en saisirais chaque minute, le regarderais et le verrais vraiment, le vivrais et ne le redonnerais jamais.Tokyo est assez animé, ce soir. Mais pour autant, je ne me sens pas accompagnée. Je me sens isolée. À moins que je me sens seule. Isolement ou solitude ? L'isolement, c'est la peur des autres. L'ennui éprouvé parce qu'on est seule avec soi-même. Une protection contre toute intrusion de l'extérieur. Le désarroi et la confusion de son monde intérieur. Les ruminations et le verbiage intérieurs. L'angoisse devant sa fragilité et la peur d'être de nouveau rejetée. Se fermer aux autres par crainte d'être agressée. Des moments d'agitation intérieurs. La solitude, c'est le retrait sur soi pour être plus présente avec soi-même. Le besoin de se recueillir pour se faire de la place. Rechercher la paix entre ses différents moi. Le silence intérieur fait de Présence. Accepter sa vulnérabilité et reconnaître que l'on peut dépendre des autres. L'intimité avec soi-même qui permet de s'ouvrir aux autres. L'harmonie des diverses parties de soi. Je subis ces deux états. Non. Je me les inflige. À tour de rôle. Je m'isole et le temps d'après, je me retrouve seule. Telle est ma vie actuelle. Je n'arrive pas à retrouver la joie que je possédais avant. Et pourtant, on essaie de m'aider. Alors, pourquoi ? Il doit, très certainement, me manquer quelque chose. D'important. Mais quoi ?
Que la marche est longue ! Oui. Elle peut sembler longue si l'on regarde au loin. Tout là-bas. Tout là-haut. Comme un pèlerin qui s'est mis en route vers St Jacques, un alpiniste qui s'est mis en tête de gravir l'Everest, chacun d'eux a en point de mire le but de son voyage tout en appréciant chaque pas qu'ils posent sur leur chemin. Parfois c'est difficile et ils doivent redoubler d'efforts pour ne pas se laisser aller au découragement et lorsque l'un d'eux fait une rencontre ou se trouve devant un paysage merveilleux, alors ils retrouvent en eux les forces nécessaires pour poursuivre leur route. Je suis pareille à ces deux personnages. Je dois l'être, du moins. Je dois me réjouir de chaque petite chose qui se trouve là sur mon chemin, ces petites choses qui me guident vers la plus sublime des rencontres qui n'est autre que celle avec moi-même. Puis-je m'accorder des moments de paix, de repos, en prenant soin de moi ? Puis-je goûter pleinement les instants où rien ne se passe, ces instants où je n'attends rien, n'espère rien et n'aspire à rien d'autre que d'être simplement là où je me trouve ? Au parc Yoyogi. L'un de mes endroits préférés. Où je m'abandonne et respire librement.
Comme à chaque fois que je me trouve ici, je mets mon casque sur les oreilles et lance ma playlist aléatoire. Écouter de la musique est l'un de mes plus sévères traitements. Mais c'est celui qui marche le plus. Le jour où j'ai arrêté d'être une bonne fille, c'est aussi le jour où j'ai commencé à consulter une psy virtuelle. Malgré que les consultations soient terminées depuis quelques mois, je n'oublie, en aucun cas, tous les conseils avisés que j'ai reçu. Je les applique, d'ailleurs, quotidiennement. Alors que mon esprit se met à me rappeler de mauvais souvenirs, je commence à courir. J'augmente le volume qui traverse le casque. Tout s'efface autour de moi. Seule la musique est présente. Elle me tient compagnie. Mes souvenirs disparaissent. La méthode marche toujours aussi bien. Alors, pourquoi l'arrêter ?
La vie est ce que j'en fais. Ne jamais accuser qui que ce soit d'autre pour l'état dans lequel je suis. Savoir que je suis la seule à en être responsable. Changer mon attitude me permettra de changer toute ma façon de voir. Adopter une attitude constructive envers la vie. Construire le meilleur à partir de ce que je vois autour de moi. Ignorer le reste. Mais que tout cela peut disparaître, si je ne donne aucune force de vie. Qu'aujourd'hui est un jour nouveau, et ce que j'en fais dépend entièrement et uniquement de moi-même.
Une musique se lança. Une musique qui me tenait tout particulièrement à cœur mais que je ne souhaitais pas écouter, ce soir. La raison est tellement dérisoire que je ne suis même pas sûre qu'elle soit la bonne. Je regarde, donc, mon téléphone le temps de quelques secondes. À peine. Juste assez pour passer à la musique suivante. Mais ce court laps de temps a suffit pour bouleverser ma soirée. Cette soirée sent quelque chose de nouveau. Ce que je vais en faire, dépend de moi.
Excusez-moi, je ne regardais pas où j'allais. J'espère que je ne vous ai pas fais mal ? Je suis vraiment confuse.
Je venais de percuter un homme. Pourquoi est-ce que ce genre de situations gênantes n'arrivaient qu'à moi ? Surtout, en ce moment. J'avais honte. Percuter un homme de cette manière était ridicule et à la limite de l'irrespect. Un inconnu, en plus. Décidément, je fais tout de travers. Je me pince la lèvre. J'ai tellement peur qu'il s'énerve. Après tout, il aurait raison. Je n'avais qu'à regarder devant moi ou, tout simplement, arrêter de courir. Les rencontres dans la vie sont comme le vent. Certaines vous effleurent la peau. D'autres vous renversent. Nous sommes actuellement dans le dernier cas de figure. On ne pourrait décrire cette rencontre, autrement.