À chaque rencontre, une nouvelle histoire s'écrit ~ Min Ho & Tammin

Une journée, de plus, qui s'achève.

Je suis de retour à Tokyo depuis si peu de temps. Pourtant, j'ai comme l'impression que rien n'a changé. J'ai retrouvé ma vie telle que je l'avais laissé. Je suis seule, et danseuse. Mon quotidien reste inchangé et mes journées se répètent, encore et encore, depuis que j'ai trouvé ma place à la Succursale japonaise d'A.N.H.I. Je ne m'en plains pas, bien au contraire. Cette place occupe mes journées, ainsi que mes pensées, et me permets de danser aussi longtemps que possible. Je ne compte aucunement les heures que je passe dans cette entreprise. Je devrais m'en sentir bénie. Suite aux deux merveilleuses années que je viens de passer, il m'est essentiel d'avoir une activité afin de ne pas sombrer, de nouveau.

Depuis ma plus tendre enfance, mes journées sont tintées de rigueur et de discipline. Je n'avais que peu de temps pour m'amuser et sortir comme le faisaient les jeunes de mon âge. Pourtant, il me semblait, à cette période de ma vie, que j'avais de fidèles amis et le petit ami de ma vie.  C'est grâce à mon amour pour la danse que j'ai pu surmonter les moments difficiles. Encore aujourd'hui, c'est cette passion qui me maintient debout et me permets d'avancer.

Le rythme soutenu et l'exigence artistique que je m'impose, me mènent à repousser sans cesse mes limites et mon corps à l'extrême. J'ai déjà été gravement blessée, à deux reprises, avec une rupture des ligaments croisés du genou. Il m'a fallu subir quasi un an de rééducation après chaque opération. C'est surtout avec beaucoup de volonté que j'ai réussi à revenir sur scène et à passer au dessus de la peur de me refaire mal. Désormais, je dois faire attention à moi. Je le sais. Mais à quoi bon ? Je me dois de donner le meilleur de moi-même pour réussir. Qu'importe le prix à payer.

Il est important dans le cadre alimentaire de manger beaucoup de sucres lents comme tout sportif et d'avoir, bien sûr, une bonne hygiène de vie. Il faut du carburant pour encaisser le rythme des jourées marathon, que je vis actuellement, mais tout est une question de dosages. Il me faut de tout mais dans des quantités raisonnables. Je n'ai pas de nutritionniste alors je dois gérer cela à ma façon. Pour autant, je n'ai jamais eu besoin de m'astreindre à un régime, je ne pratique pas d'autres sports et danser minimum six heures par jour suffit à garder la ligne ! Ce qui est drôle, c'est que la plupart des danseuses aiment cuisiner, et moi aussi !

Tous les matins, je pratique un footing et un échauffement de compétition. Je me lève donc quasi aux aurores pour avoir le temps de préparer mon corps comme il se doit. Il doit tenir pour la journée entière et ne pas faiblir avant la fin des entraînements. Je commence mon premier « cours » à 10h00 et il dure 1h30. Parfois, quand je me sens d'attaque, je poursuis avec un second pour finir ma matinée sportive à 13h00. Ensuite, j'enchaîne sur un ou deux « services », suivant ma forme physique. Un « service » correspond à 2h30 ou 5h00 de répétition. Lorsque je faisais partie de la troupe, je pouvais avoir qu'un seul « service » et ainsi finir à 16h00. Cela me permettait de commencer à me préparer vers 17h30  pour le spectacle de 19h30 qui se finissait entre 21h30 et 23h30. Je possédais un jour de repos fixe dans la semaine, généralement le dimanche mais ça pouvait varier. Actuellement, n'ayant plus de représentations, j'enchaîne deux « services » de 5h00. J'optimise ainsi ma journée et maintiens mon corps dans une routine de haut niveau.

En gros, ça me fait 30 à 60 heures chaque semaine pour les répétitions. À cela s'ajoutent 18 heures de cours. Je peux donc affirmer que je suis surbookée. Mais j'aime cette vie. C'est la mienne. Je suis chargée mais c'est grâce à cet emploi du temps que je deviendrais une merveilleuse danseuse.

Mince, je n'ai pas vu l'heure passer...

Je me dépêche de ramasser toutes mes affaires pour regagner les couloirs. J'étais tellement perdue dans mes pensées, que je n'avais pas vu que plus d'une demi-heure s'était écoulée depuis la fin de ma dernière répétition. Je dois vite rentrer pour pouvoir dormir, ne serait-ce qu'un peu, afin de pouvoir vivre la journée de demain sous le même rythme que celle qui se termine. Je gagne l'ascenseur de service et regarde les étages défiler.

Il descend très bientôt au mien.

Plus que deux étages avant que les portes ne s'ouvrent.

Je vais bientôt pouvoir regagner la maison de mon père. Il doit s'inquiéter. Mon portable n'ayant plus de batterie, je ne l'ai pas prévenu que j'allais rester jusque très tard.

Plus qu'un étage. Vite.

Ça y est. J'ai entendu la petite sonnerie indiquant que les portes de l'ascenseur allaient s'ouvrir d'ici peu. Je pensais, cependant, être la dernière à traîner dans le bâtiment. Qu'elle ne fut pas ma surprise de croiser le regard d'un homme qui se trouvait déjà entre les quatre murs de l'ascenseur.