Le passé vient de frapper. {Wakiya Kris}

La ville s'éteint de ces lumières, elle sombre petit à petit. Les néons, les lampadaires, les phares des voitures, tout remplace lentement la lumière du jour. Le soleil est évincé par la lune, les habitants du jour laissé places à ceux de la nuit. Tu en as toujours fait partie, même si tu te mêles au jour, même si la nuit était un endroit de débauche pour toi, même si les plaisirs que tu offrais ton sauvais, ça te laisses ce petit goût amer. Seulement les temps ont changé, le passé est consommé, le présent est là et le futur est voilé, dissimulé sous cette fumée, ce voile de nuance. Tokyo, une ville qui t'a toujours plus ou moins fasciné, troublé.

Actuellement, tu n'es plus la jeunette qui vend son corps pour survivre, tu n'es plus celle-là. Tu es toi, une personne indécise sur son genre, une tarée un peu allumée, une rose aux épines rouillée. Tu es entouré de ce bouclier qui est appelé la fierté, une défense qui ne laisse personne rentrer, mais qui en fait rapidement sortir les quelque courageux qui te supporte encore. 

Depuis quelque jour, tu traînes dans les rues de Shinjuku, tu attends, tu n'es plus sur de savoirs quoi exactement, d'ailleurs l'as tu déjà sus ? Non. Tu t'installes sur un banc, le froid engourdit tes doigts, rougissent tes joues. Tu saisis ton portable, parcours la liste des gens de ton répertoire téléphonique. Tu remontes et redescend la longue file, puis pose ton doigt au hasard sur le nom de Wakiya Kris. Tu restes un certain temps à regarder son numéro. L'hésitation ce n'est pas dans tes habitudes, mais tu ne l'as pas revue depuis si longtemps... Avez-vous envie de vous revoir ? De remémorer ce passé ? 

Le froid te résonne, il t'oblige à réagir plus rapidement. Tu lances l'appel. Apporte le portable à ton oreille, regarde au loin les quelques passants. Instantanément, tu doutes, tu te crispes, mais une voix à l'autre bout du téléphone te ranime, comme un électrochoc. Le froid n'existe plus, les gens non plus. 

- Kris ? Je suis à Shinjuku, dans le quartier Kabukicho. Devant le bar qu'on fréquentait. Je me sens un peu seul. 

Assise sur le banc, tu viens sûrement de réveiller Kris, tes vêtements sont d'homme et large, des cheveux coupés, les tatouages sur ton corps. Tu as changé, mais pas seulement physiquement, mentalement aussi. Le froid revient, tu te fais muette et écoutes la réponse du garçon au bout du téléphone. Toi, tu passes de toit en toit, de voiture en train. Tu galères, tu vis, comme tu l'as, toujours, fais. Seulement avec ce caractère, ce manque d'argent et le peu d'amis que tu as, il est clair que ça devient de plus en plus compliqué... Et te ramener dans la vie de Kris, c'est un peu égoïste, c'est un peu toi.

- Mec... ? J'ai plus d'unité, ça va coup...

Couper. Voilà qui est fait, l'appel se termine, si se téléphone n'était pas l'unique bien matériel qu'il te reste, le seul que tes parents, plutôt ton frère te paie encore, tu l'aurais bien éclaté au sol. Tu le remets dans ta poche. Puis tu attends, impatiemment. Tu espères qu'il vienne, même s'il n'y a aucune sorte de raison logique qu'après cette absence trop longue, il daigne te parler. D'ailleurs, comment il gère sa vie lui ?