sakanoe kanon + flower boy

Cette sensation d'avoir oublié quelque chose d’important. Ce sentiment qui persiste dans l'esprit, pendant tout le chemin jusqu’au boulot, durant tout le trajet  métro jusqu’à l’Université. Ensuite vient le moment où on s'en souvient, et où on se maudit d'avoir oublié une telle chose. Sauf que toi, tu ne t'en rappelles pas.

Tu as tout oublié, depuis ce jour. Ce jour où tu es tombé lors d'un tournage d'un film. Ta qualification de cascadeur t’avait permise de décrocher un boulot de doublure pour un film d’action. Tout allait pour le mieux, tu avais déjà tourné quelque scène. Mais la dernière te fut fatale : mal attaché, tu as fait une chute libre de quelques mètres de haut. Ta tête percute violemment le sol. Traumatisme crânien.

À ton réveil à l’hôpital, impossible de reconnaître cette dame occupée de pleurer de soulagement, ni cet homme qui tentait de faire cesser ses pleures. Tu les dévisage, ils ne comprennent pas. Ils disent être tes parents, mais tu hésites à les croire. Tu es alors  diagnostiqué amnésique.

Ta jambe droite avait pris cher de ta chute également, te retrouvant alors dans le plâtre pendant plus de six mois. Tes parents décident de te garder chez eux le temps de ta guérison. Ils espèrent te faire retrouver ta mémoire, mais les seules fois où ils ont essayé, tu fus pris de violentes migraines ; il devait être encore trop tôt. Mais d'après eux, lorsque tu étais enfant, tu étais un petit garçon très turbulents et hyperactif ; tu ne tenais pas une minute en place. Les chutes et les blessures ne te faisaient pas peur, loin de là. Toujours à la recherche d’adrénaline, tu ne vivais que par elle. Tu as eu droit à de nombreux séjour à l'hôpital pour diverses blessures, certaines risquaient même de te coûter la vie. Un casse-cou jusqu'au bout des doigts.

À l’époque, ta passion était la danse classique, le ballet, d’après ton père. Tu devais avoir aux alentours des six-sept ans lorsque tu t’es épris de cette discipline, après avoir vu un spectacle à la télévision. « Le lac des cygnes », qui devint rapidement ton programme préféré, le regardant à mainte et mainte reprise. Tu as donc fait du ballast durant trois années consécutives. Tu aimais ça, et encore plus les représentations. Tu finis par dévier sur la danse contemporaine après ces trois années de ballet. Mouvoir ton corps était ce qui te faisait vivre.

Mais ton parcours ne semble pas s'arrêter là. Tu étais tellement surpris d'avoir fait tant de choses en si peu d’années. Et de pouvoir changer de discipline comme de chemise, sans pour autant avoir des lacunes par rapport aux autres. C'est alors à l’âge  treize ans, que tu commences la gymnastique rythmique, en parallèle avec la danse contemporaine. C'est bien la seule activité que tu continueras, jusqu’à t’es dix-huit ans environ. Tu n'en fus pas autant de la gymnastique rythmique, car tu as préféré te diriger vers la gymnastique acrobatique. Le côté casse-cou remonte à la surface, même dans ton choix de carrière. Tout doucement, tu commences à avoir cette envie de devenir cascadeur.

Tes parents t’ont dit qu’ils avaient toujours été très fiers de ton travail scolaire. Un élève studieux, complètement amoureux des sciences et de l’anatomie. Tes parents te pensais même capable d’entamer des études de médecines afin de devenir chirurgien. Mais que neni ; tu as préféré te diriger par ce métier qui t’intriguais depuis quelque temps, celui de cascadeur. C’était là que tu trouverais l’adrénaline que tu cherchais depuis le début de ta vie. Cette sensation qui te prend par les tripes quand tu fais quelque chose de dangereux. Certains la fuient comme la peste, mais pas toi, tu veux vivre avec elle.


Personne ne fut étonné de ton choix de carrière. Le petit garçon téméraire qui va aller jouer les casse-cou pour le bonheur du cinéma. Pour toi, c’était un rêve qui se réalisait. Tu appréhendais ton premier jour de tournage, tu avais tellement peur de mal faire, de faire une erreur. De ne pas être à la hauteur. Cela changeait tellement des fois où tu faisais des acrobaties en salle, où lorsque tu faisais du parkour en ville. C’était différent de quand tu faisais ça pour le plaisir, que lorsque tu faisais ça avec des amis. Non, cette fois il fallait être sérieux. Alors tu stressais. Mais le stress n’a pas affecté la qualité de ton travail et tu réussi tes première scènes avec brio. Mais ne n’était pas le cas de la dernière, durant laquelle tu as chuté de plusieurs mètres de haut.

Tu as vécu cette perte de mémoire comme une renaissance. Tu as tout oublié de l’ancien Kanon, et tu n’essayeras pas non plus de redevenir comme lui, si les choses qu’il faisait ne te plaisaient pas autant qu’à lui. Tu aimes toujours les sciences, un peu moins l’anatomie. Mais ce qui te passionnait maintenant ; c’était les fleurs et la botanique. Tu as le vertige, les hauteurs ne sont pas faites pour toi. Tu déteste cette sensation qui te prend par les tripes, tu détestes les attractions fortes. Tu préfères être au calme, avec un fond de musique classique, à tailler des bonzaïs. Tu préfères être installé dans ton lit, à dessiner des croquis de composition florale. Ça, c’est ta nouvelle vie.