Rien ne te prépare à endurer les dures épreuves de la vie. Rien ne t'aide à faire les bons choix. Gauche ou Droite, oui ou non. Tu es responsable de ta propre destinée et de tes propres erreurs. Parfois, tu regrettes et d'autre fois non. Et il arrive souvent que tu soit partagé entre les deux, mais jamais tu ne pourras revenir en arrière. Alors est-ce que les choses auraient été différente si la mère de Xia avait décidé de ne pas faire d'étude de psychologie ? Si elle avait suivi les conseils de ses parents dès le départ ? Personne ne le sait, seulement, ces choix font de sa vie ce qu'elle est aujourd'hui. Et surtout ces choix sont la raison de la présence de Xia dans ce monde.
Une jeune et fraîche étudiante promis à un avenir radieux. Elle ne manque de rien, au contraire, elle est née avec une cuillère en argent dans la bouche. Elle vit presque une vie de rêve. Un niveau de vie confortable, une famille aimante, des études qui la passionnent, et pour couronner le tout, un mariage arrangé avec un fils de bonne famille. Tout aurait du bien aller, tout aurait dû être parfait si l'amour n'était pas intervenus dans sa vie. Sa personnification ? Professeur Liang, cet homme de quinze années son aîné. Il est beau, grand, cultivé, éduqué. Il l'as charme à coup de gracieuses et habiles paroles. La couvre d'un amour qui doit rester secret. Lui offre une vie emplie de petite attention, de bonheur simple. Tout était beau et facile du moment que leur relation restait cachée. Mais, ils ont fini par le découvrir. Sa famille a découvert ce qui se cachait dans son cœur. Ils ont voulu les séparer, oh oui, avec de l'argent, ou des menaces. Mais rien y faisait, ils s'aimaient et rien ne pouvait les faire changer d'avis. Puis ils sont faits un choix, un choix fou peut-être ou précipité, mais ils sont partis. Ils sont retournés dans la ville natale du père de Xia. Hong-Kong. Là-bas, ils ont commencé leur petite vie de couple bien rangé. Une petite vie de couple qui s'est vu déboussoler par l'arrivée d'un bébé. Pendant neuf mois, les bienheureux ont attendu avec beaucoup de joie, mais aussi d'appréhension, une petite fille. Surprise, il était en réalité un garçon. Liang Xia.
Xia à vécu sa petite vie à Hong-Kong, se baladant sur le Victoria Peak ou à Kowloon. Il était un enfant bien trop curieux, bien trop naïf, bien trop inconscient. Il était un enfant bien trop en générale. Sa mère n'avait pas d'autre choix que de le surprotéger. Elle l'as fait vivre dans un cocon, l'enfermant dans une bulle sans s'en rendre compte. Xia s'est vite retrouvé comme l'enfant rejeté, l'enfant en dehors du monde. L'enfant qui n'a pas le droit, l'enfant dont la mère beaucoup trop jeune ne sait pas s'occuper convenablement. Durant des années, il a tenté de s'intégrer, développant une personnalité ouverte, extravertie. Mais surtout, il est devenue un enfant inconscient du danger qui l'entoure. Xia a été le garçon a qui ont fait aller chercher le ballon dans l'égout ou sur la route, le garçon qu'on met au défi de manger de la colle ou de foncer dans un mur. Le garçon qu'on s'amuse à battre sous prétexte que c'est un jeu. Cet enfant qui ne sait pas dire non juste parce que ça lui donne l'impression de s'intégrer. Cet enfant qui sourit à travers ses larmes, à travers sa douleur du moment que les autres s'amusent avec lui. Des vrais amis, de ceux qui t'aiment et te protègent, il n'en a jamais vraiment eu, mais il était heureux comme ça. Du moment que l'on s'intéressait à lui, le reste importait peu.
Il aurait aimé que son père soit présent pour lui dire quoi faire, ou comment agir. Qu'il lui apprenne à se battre ou juste à devenir un peu plus dur, qu'il lui apprenne à dire non. Mais non, il était trop occupé par son travail. Toujours à l'université à donner des cours ou à donner des conférences dans d'autres pays. Toujours en voyage, jamais à la maison. Ou quand il était là, il n'avait pas le temps pour Xia. Ce sentiment d'abandon qu'il ressentait grandissait chaque jour un peu plus, et il se raccrocha à la seule personne qui prenait soin de lui. Sa mère. Cette femme qu'il considérait comme la huitième merveille du monde. Cette femme qui a toujours fait attention à lui, qui lui a appris ce que son père ne lui avait pas appris. Elle qui l'a forgé sur son propre caractère. La douceur incarnée. Elle était une force de la nature, d'avoir vécu autant de chose dans sa vie. D'avoir coupé les liens avec sa famille afin d'avoir la vie qu'elle avait choisie. Elle était son exemple, sa seule famille. Et encore une fois, comme si la vie n'avait pas fini de la faire souffrir, elle devait vivre une nouvelle épreuve.
Sans nouvelle de son conjoint depuis plus de deux semaines, ses inquiétudes grandissaient. Puis un jour, un homme en uniforme s'est présenté dans leur maison. Et il leur a annoncé que le père de Xia n'était plus. Il avait péri lors du naufrage d'un bateau de croisière au large des Caraïbes Que faisait-il sur un bateau de croisière alors qu'il était censé donner une conférence à Tokyo ? Un mensonge, un de plus, un de ceux dont Xia ignorait l'existence. Puis ce policier, sans aucune forme de procès, leur demanda de faire leur valise et de quitter la maison. Parce que cette maison ne leur appartenait pas, cette maison, c'était celle de son conjoint. Cette maison, c'était à présent celle de l'autre femme. En réalité, le père de Xia trompait sa mère depuis plus de trois ans, ou peut-être trompait-il l'autre femme avec sa mère ? Il mené une double vie, il était marié et papa de trois enfants avec une autre femme. Quant à Xia et sa mère, il n'était rien, sur les papiers, Xia était juste l'un de ses enfants adultères. Sa mère n'était rien d'autre qu'une femme qui avait bafoué un mariage. Son père n'avait cessé de mentir, de tromper, de jouer avec les sentiments d'autres femmes. Combien d'autres étudiantes avait-il fait tomber dans ses filets ? Combien de demi-frères et sœurs Xia avait-il en réalité ? Il ne voulait pas le savoir. Il ne voulait plus porter ce nom, il n'était qu'une tache noire dans la famille d'une autre.
Alors, ils partirent. Finis, la vie à Hong-Kong. Au revoir, la Chine en générale. Les voilà de retour au Japon. Premier réflexe aller chercher du réconfort auprès de cette famille qui avait raison depuis le début. Mais ils font face à un mur. Personne ne veut entendre parler d'eux. Ils sont seuls, sans beaucoup d'argent. Xia ne parle même pas Japonais. Il a treize ans et tout le monde le lâche dans un pays qu'il ne connaît pas. Dans un monde dont il ignore tout. Ils vont finalement se trouver un tout petit appartement, une seule pièce pour vivre, dormir. Une seule pièce pour deux. Mais ils n'avaient pas le choix. Xia retourne à l'école. Les gens ne l'aident pas, on lui donne vite le surnom de « Chinois », de « sans-père » ou pire de « bâtard. ». Mais il sourit, il recommence à vivre comme il le peut. Il ne veut pas être rejeté encore une fois, il ne veut pas subir ce qu'il a subi à Hong-Kong encore une fois. L'abandon de son père avait été suffisant, il ne voulait pas en vivre d'avantage. Alors il sourit aux autres dans l'espoir qu'ils l'acceptent enfin. Sa mère, elle, commence une formation. Elle va devenir infirmière, elle va travailler de nuit, le laissant seul face au soir. Mais il le faut, comment va-t-elle subvenir à leur besoin si elle ne travaille pas.
C'est à partir de cette époque que Xia à commencer à tourner en rond. Qu'il a commencé à se perdre sur les mauvais chemins. À cette époque qu'il a commencé à ressentir le besoin de vivre. Lorsque sa mère n'était pas là. Il sortait, traversait les rues de Tokyo sur son skate. Il ne cherchait pas forcement les ennuis, il cherchait juste l'adrénaline qui lui ferait se sentir plus vivant. Il parcourait les rues sombres, les allées reculés, les moindres recoins qui pouvais dissimuler l'action. Sans avoir forcement le courage de se rendre dans les vraies zones de danger. Il évitait juste d'aller trop loin. Encore jeune, il reculait souvent face à certaines personnes, à certaines actions. Il n'avait pas peur, il ne méfiait pas vraiment non plus. Mais à chaque fois, les mots de sa mère résonnaient quelques parts dans sa tête. Petit à petit, avec les années, cette voix à disparu, elle n'est devenue qu'un des nombreux bruits de la vie. Sa mère cherchait toujours à le mettre en garde face au monde, mais l'adolescence avait raison de lui. Xia quittait de plus en plus l'appartement, s'enfonçait de plus en plus dans les ruelles sombres. Il fréquentait les mauvaises personnes, se jouait des dangers de la hauteur, de la route. De nombreuses fois, il est revenus avec des bleus, le sang au bord des lèvres, puis des fractures. Ses séjours à l'hôpital se faisaient plus fréquent. Mais un sourire ne quittait pas son visage.
A force du temps Xia s'est perdus sur des chemins différents de ceux de ses camarades d'école. À ses dix-huit ans, lorsqu'il a raté son diplôme, il a pris la décision d'arrêter. De ne jamais revenir à l'école, de ne pas vivre sa vie enfermée dans un bouquin, entre quatre murs, il voulait être libre. Sa chance lui offrit un travail dans un konbini, à mi-temps, ce qui lui laissait amplement le temps de partir, de découvrir, d'avancer sur les routes sinueuses qu'il avait choisi.
Il se sentait en vie, et c'est tout ce qui comptait pour lui.