Heartbreak Hotel |#| AIRI&NAO

Heartbreak Hotel

Airi & Nao

Le printemps était presque terminé. Au moment où il avait laissé son vélo au kôban, après sa dernière patrouille, Nao avait eu ce petit pincement au cœur. Inspecteur. C’était le titre auquel il aspirait depuis toutes ces années, pour lequel il s’était entraîné si durement. Il savait que les crimes violents étaient rares dans leur pays, mais ce métier lui permettrait de se sentir utile, de jouer véritablement un rôle dans l’identification et l’arrestation de malfaiteurs. C’était autre chose qu’interpeller des passants et guider les touristes perdus. Il préférait largement être l’homme qui permettrait la résolution d’enquêtes plus importantes. Shin serait fier de lui.

C’était son premier jour de travail en équipe. Il n’avait pas encore rencontré la personne avec laquelle il allait devoir travailler. Le cas était assez morbide. Une jeune femme retrouvée morte dans la chambre d’hôtel où elle avait passé la nuit avec son fiancé. Plus de traces de ce dernier, aux dernières nouvelles. Ce serait à eux de faire leur travail, maintenant. Il se voyait déjà se lancer dans une course poursuite en compagnie de son coéquipier, sauter par-dessus des grillages pour rattraper un homme… Mais il avait regardé trop de séries. La réalité du métier était bien différente. Cela, il le comprit en arrivant à l’endroit du briefing de mission, où il devait rencontrer l’un des policiers qui avaient été chargés de constater les faits.

Il s’approcha du duo. La victime était couverte de blessures et la décoration de la chambre était détériorée. Des dommages matériels mineurs, mais remarquables, dont l’homme faisait l’évocation au moment où Nao arriva à leur hauteur. Sympathique. Il adressa ses salutations à l’agent, se présentant avec la gravité de rigueur en tant qu’inspecteur Miyano, un nouveau titre dont il n’était pas peu fier. Quand le policier s’éloigna, sa mission terminée, Nao posa enfin les yeux sur la femme qui les accompagnait, alors qu’il adoptait le ton patronisant que son père employait pour s’adresser à son épouse. « Comme on se retrouve, Kojima-san. » Encore elle. Toujours elle. Comme si le priver de son titre de major n’était pas suffisant. Cette fille était la dernière qu'il aurait imaginée en tant que coéquipière. « J’espère que vous n'avez pas peur du sang. » Du sang. Était-il bien placé pour en parler, lui qui avait vu son frère à l’hôpital pendant des semaines, blessés à cause de ses bêtises ? Le cœur battant, il fit quelques pas en direction de la porte et la poussa, prêt à découvrir la scène où s’était déroulée une pièce bien malheureuse. Avant d’y entrer, cependant, il adressa un nouveau regard à sa collègue. « Occupez-vous des témoins. » Une femme de chambre et la cliente de la chambre voisine. Entre femmes, elles pourraient certainement s’entendre. Pourquoi ne l’avait-on pas laissé travailler avec Takeo ? Ils s’entendaient beaucoup mieux.

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CODES © LITTLE WOLF.

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Airi & Nao

C’était sa première mission officielle et rien ne pourrait enlever sa joue à Airi. D’accord, elle se rendait dans une chambre d’hôtel où avait eu lieu un meurtre sanglant… Elle ne devrait pas sourire en relatant les faits dans sa tête. Elle avait été fière d’enfiler ses vêtements pour aller travailler, embrassant sa fille ce matin avec encore plus d’en train que d’ordinaire. Elle était un peu déçue, c’était son père qui allait l’amener à l’école. Airi espérait qu’il ne se perdrait pas en chemin. Elle savait que sa fille serait capable de se repérer dans Tokyo, mais elle avait peur de la laisser s’y aventurer toute seule. Pour Airi, elle était encore beaucoup trop petite. Au collège, elle y réfléchirait éventuellement.

Un hôtel. Une femme retrouvée morte, sans doute tué par son petit-ami. C’était l’hypothèse la plus plausible, mais elle, elle ne voulait pas s’y fier. Pas encore. C’était trop facile, même si tout soupçon se portait sur lui. Il avait étrangement disparu, cela prouvait fortement sa culpabilité. Il avait tué, puis il avait fui, sans état d’âme. Non, ce serait trop simple et Airi ne comptait pas se reposer sur la simplicité, elle était là pour élucider les plus petits détails. Elle était là pour montrer de quoi elle était capable, pour montrer que c’était elle la meilleure, tout simplement.

Une fois sur les lieux, elle prit le temps de savoir où s’en trouver l’enquête auprès d’un des policiers présents sur les lieux. La femme gisait plus loin et elle lui accorda un bref regard. On n’avait pas été tendre avec elle. Oui, cela avait tout l’air d’un crime passionnel. Prenant connaissance des faits, elle pinça ses lèvres quand la grande perche qui l’avait déjà ennuyé ces dernières années se planta à côté d’elle. Elle avait eu un infime espoir de tomber sur un homonyme. Malheureusement, non. « Quelle bonne surprise, Miyano. » Il ne méritait pas le san. Ça l’énervait déjà de devoir faire équipe avec ce prétentieux. Elle aurait préféré faire équipe avec une femme, pas avec un homme comme lui. Mais comme toujours, personne ne l’écoutait et recevait son avis.

« Oh, non, pas du tout. J’espère que tu ne vas pas t’évanouir, c’est assez monstrueux comme image. » Le pauvre petit bébé, il lui ferait presque de la peine. Elle espérait qu’il avait pris de quoi tenir la journée. Avec ses grands airs et son air pompeux. Il était pénible, elle détestait ça. ses sourcils se froncèrent quand il lui ordonna de s’occuper des témoins et elle leva immédiatement ses yeux sur lui. « Bon, ok, mise au point. » Son doigt se leva vers lui. Elle avant envie de le forcer à s’agenouiller pour qu’il soit à sa taille, elle détestait les hommes aussi grands. Takeo devait faire dix centimètres de moins que lui, elle avait toujours préféré. Elle se sentait moins diminué. « Tu n’es pas mon chef, c’est bien clair ? Tu ne me donnes pas d’ordre, tu ne décides pas. » Elle se fichait pas mal des protocoles, devoir se vouvoyer et tout ça. Elle refusait de lui accorder le moindre respect comme il ne semblait pas en avoir. « Je vais aller voir le corps, j’ai pris de l’avance. Le policier va t’expliquer où ça en est, après, tu prendras ta gueule d’ange pour leur parler, elles l’ouvriront surement plus facilement en voyant ton petit cul. » Elle lui sourit de son air condescendant. Des remarques comme ça, elle s’en prenait tout le temps. C’était ce qu’on disait aux femmes, des mots sexistes. Nao pouvait bien s’en prendre aussi, ça ne lui ferait pas de mal de redescendre sur terre.

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Airi & Nao

Au moins, elle lui rendait bien l’hostilité dont il faisait preuve envers elle. Que lui devait-il, de toute façon ? Elle était la femme qui lui avait volé son titre de major tant mérité, à l’école de police, et elle se permettait d’être mise en équipe avec lui pour son nouveau poste d’inspecteur. Les femmes n’appartenaient pas à leur monde, celui de la police et de la défense. En mettre une à un poste aussi important, c’était tout à fait ridicule. Pourquoi ne se contentait pas de ce que toutes les autres faisaient ? Après tout, sa propre mère ne s’était, de mémoire, jamais plainte de l’existence qu’elle menait. Il ne comprenait pas la vague de féminisme qui s’emparait de la gente féminine depuis quelques années. Comme si les femmes étaient supérieures aux hommes. Si des différences existaient, c’était pour une bonne raison, non ? Elles enfantaient et eux, de leur côté, ils les protégeaient. C’était l’ordre naturel des choses. Ou du moins, celui que Nao avait toujours connu.

Sans hésiter, il aurait préféré faire équipe avec un homme. Au moins, il était certain de ne pas devoir l’attendre si quelque chose tournait mal. Ses coéquipiers savaient se débrouiller seuls.

« Ne t’en fais pas, je ne suis pas une petite nature » répondit-il, abandonnant la politesse au profit d’un ton plus mesquin. Cette femme l’énervait rien qu’en ouvrant la bouche. Sérieusement. Avait-il l’air d’un pauvre fébrile qui s’évanouissait devant un peu de sang ? Il avait souffert la vue de son propre frère dans un lit d’hôpital, il l’avait vu emmené par les secours. Mais c’était peut-être se surestimer. Il était capable de gérer cette affaire seule, s’il l’agaçait tellement !

Malheureusement, après avoir donné ses consignes, il fut arrêté dans son élan par la petite Kojima et il jeta vers elle un regard excédé, presque moqueur. Que voulait-elle encore ? « Il faut bien un chef dans un duo, pas vrai ? Excuse-moi du peu, mais t’es pas très crédible dans le rôle du leader. » Il n’était pourtant pas si méchant, habituellement. Juste un peu moqueur, un peu joueur. Mais piquant pour faire mal, c’était rarement le cas. L’idée de devoir travailler avec elle ne l’enchantait vraiment pas. Saisissant avec poigne le bras de sa collègue, il accrocha son regard et s’adressa à elle plus sèchement, marmonnant entre ses dents. « Écoute-moi un peu, j’ai mieux à faire qu’interroger des commères. »

Parler aux femmes, ce n’était pas son rôle. Il était un homme d’action, un homme d’aventure. Il avait bien mieux à faire qu’abandonner une scène de crime pour se consacrer aux conversations lassantes d’une pauvre femme. La situation était grave, bien trop grave pour qu’ils perdent du temps avec de telles conneries. Un soupir lui échappa finalement, quand l’agent qui les avait briefés revint à proximité. Sa prise sur le bras de Kojima se relâcha et il pinça les lèvres, visiblement contrarié. « Je vais m’occuper des témoins, on se retrouve plus tard. » Les mots lui arrachaient la gueule, mais avait-il vraiment le choix ? Il ne voulait pas perdre sa place pour une telle connerie. Pas à cause d’elle. Pas après avoir travaillé si dur.

Pour cette raison, se maudissant de ne rien avoir emporté pour prendre notes, il se dirigea vers l’endroit où se trouvait les témoins pour discuter avec elles. Longuement. Trop pour sa patience. Il s’efforça de retenir autant de choses que possible avant de retrouver sa collègue sur la scène de crime, une expression d’enfant contrarié au visage.

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CODES © LITTLE WOLF.